En Bretagne, le pari de l’économie circulaire

Le concept, basé sur la réutilisation des déchets et de l’énergie, est au coeur de la conférence environnementale qui a débuté vendredi

Une des cinq tables rondes de la conférence environnementale, qui a débuté vendredi 20 septembre à Paris, est consacrée à l’économie circulaire. Un terme de plus en plus à la mode chez les politiques confrontés à la crise. En clair, en ces temps de raréfaction des ressources naturelles, tout doit être fait, y compris dans l’industrie, pour recycler et réutiliser ce qui peut l’être. L’idée se développe largement à l’étranger dans de multiples bassins d’emploi, à l’instar du port néerlandais de Rotterdam. En France, cette logique est déjà à l’oeuvre depuis plus de trente ans dans plusieurs collectivités.
Sur son exploitation de 130 hectares, située au coeur du bassin légumier de Paimpol (Côtes-d’Armor), Xavier Lec’hvien se fait le chantre de l’économie circulaire. L’agriculteur cultive choux-fleurs, brocolis, pommes de terre primeur et échalotes. Comme une trentaine de ses confrères, il enrichit ses terres avec le compost riche en matière organique qu’il achète à l’usine de Lantic, nichée dans la campagne costarmoricaine, à trente kilomètres de là vers le sud, en direction de Saint-Brieuc.
Le compost est produit à partir des déchets ménagers collectés auprès des 40 000 habitants – et autant de touristes en été – de 34 communes rassemblées au sein du Syndicat mixte intercommunal de traitement des ordures ménagères (Smitom) de Launay-Lantic.
Dans le monde du déchet, le nom de Launay-Lantic est devenu, depuis 2004 et l’inauguration de la nouvelle usine, synonyme de compost de qualité. Une performance, car les exemples sont nombreux d’usines de prétraitement mécano-biologique (TMB) des ordures ménagères peinant à répondre aux exigences de la norme française 44-051 sur la qualité de l’amendement produit.
Mark Briand, le directeur du Smitom, peut afficher fièrement un taux de 0,8 % de résidus de verre et de métaux dans son compost (pour un plafond de 2 % fixé par la norme), de 0,1 % de films plastique (pour 0,3 %), et de 0,5 % de plastiques rigides (pour 0,8 %). ” Pourtant, quand nous nous sommes lancés, personne ne pensait que nous serions capables de produire un compost de qualité à partir d’ordures ménagères “, assure-t-il.
Pour conserver les légumiers parmi ses clients, le Smitom a dû s’adapter. Estimant que la qualité du compost produit à l’époque – parsemé de morceaux de verre et de plastique – était vraiment trop médiocre et risquait de leur faire perdre de gros marchés européens, les agriculteurs rassemblés au sein du Cerafel, qui commercialisent leurs légumes sous la marque Prince de Bretagne, ont imposé en 1997 des standards très élevés.
La première mesure prise par le Smitom a été d’améliorer la qualité du flux entrant d’ordures ménagères, en éliminant les déchets toxiques de la collecte grâce à l’ouverture de déchetteries et à des campagnes de sensibilisation.
Tubes de fermentation
” Il y a eu un travail à la source qui fait que ne rentre dans l’usine que le haut du gratin “, commente Bertrand Decoopman, qui a participé à l’élaboration du cahier des charges pour le compte des chambres d’agriculture de Bretagne : ” S’il y a tellement de difficultés ailleurs avec le TMB, c’est que les groupes qui vendent les usines oublient souvent de parler aux collectivités de tout ce travail à effectuer en amont. ”
Le procédé de traitement des ordures a également été revu de fond en comble. Les déchets ne sont pas broyés, comme dans d’autres usines de TMB, mais passent quatre jours dans des tubes de fermentation, puis leur fraction organique (38 % du total) est séparée de la portion des indésirables (métaux, verre, plastique, etc.) par plusieurs systèmes de tri. Mélangée à des déchets verts, cette fraction passe ensuite cinq semaines dans des boxes ventilés de fermentation. Trois mois de maturation sont ensuite encore nécessaires avant que le compost soit commercialisable. Les indésirables sont quant à eux enfouis dans la décharge adjacente au centre de compostage, mais Mark Briand n’exclut pas d’aller les y rechercher, le jour où existera une filière qui permettra de valoriser ceux-ci, par exemple par la production d’énergie.
Entre 8 000 et 9 000 tonnes de compost sont produites de la sorte chaque année à Lantic, et vendues environ 2,50 euros la tonne. ” Et nous ne pouvons pas répondre à la demande, nous refusons de nouveaux clients “, affirme Mark Briand. Xavier Lec’hvien en achète prèsde 500 tonnes par an. ” La culture de légumes nécessite un sol riche et équilibré, qui retienne l’eau, les éléments minéraux et soit filtrant, explique l’exploitant agricole, par ailleurs responsable départemental de l’UMP. La matière organique apporte cet équilibre et nous permet de boucler la boucle : ce qui est sorti de notre terre finit par y revenir. ”

Gilles van Kote
Le Monde du 21 Septembre 2013

Leave a Reply